Nous nous sommes toutes et tous posés au moins une fois cette question. Soit parce que la mélodie de Patrick Juvet nous traînait dans la tête tout le long de la journée. Soit parce que, effectivement, nous aimerions tous que les femmes soient plus nombreuses dans le domaine des TIC (Technologie de l’Information et de la Communication). C’est donc l’occasion pour moi de répondre le plus succinctement possible à cette épineuse question.
Mais d’abord, faisons un grand bond en arrière dans le temps...
Ces femmes qui ont révolutionné l’informatique moderne
Les femmes ont bel et bien été présentes dans le domaine des TIC. Figures majeures mais souvent oubliées, elles ont contribué à de nombreuses innovations
dans le domaine.
L’une des premières fut Ada Lovelace, au 19ème siècle. Elle fut en effet l’auteure du premier algorithme pouvant être exécuté sur un ancêtre de l’ordinateur. Cet algorithme permettait de
calculer les nombres de Bernoulli grâce une boucle conditionnelle. Ainsi, Ada (dont le prénom a donné plus tard son nom à un langage de programmation) fut l’une des premières à appréhender la notion
de calculateur universel manipulant des symboles généraux et à aller au-delà de l’unique notion de calcul numérique. Alan Turing ne formalisa l’idée que dans les années 1930. Ada est ainsi
considérée comme la première programmeuse, hommes et femmes confondus.
Programme de calcul des nombres de Bernoulli d'Ada Lovelace (1843)
A la fin du 19ème siècle et jusqu’au milieu du 20ème, les femmes sont engagées comme calculatrices humaines. Elles effectuent par exemple des calculs balistiques, notamment lors de la Première Guerre mondiale.
Après la Guerre, elles sont employées comme programmeuse sur les premiers ordinateurs. La programmation était en fait considérée comme un “métier de femme” à l’époque, alors que
la conception du matériel, elle, était confiée aux hommes. C’est dans ce contexte que le groupe ayant travaillé en 1944 sur le premier ordinateur électronique l’ENIAC (Electronic Numerical Integrator
And
Computer) fut constitué de six femmes mathématiciennes. Elles furent nommées les “ENIAC girls”. Bien qu’embauchées comme programmeuses, donc pour concevoir la partie
logicielle de la machine, elles contribuèrent également à la conception de la partie matérielle. Cependant, lors de la première démonstration publique de l’ENIAC, leur travail ne fut aucunement
mentionné.
Marlyn Meltzer et Ruth Teitelbaum programmant l'ENIAC en 1946.
Enfin, difficile de finir ce rapide retour dans le temps sans mentionner les travaux de l’informaticienne Grace Hopper. On lui doit l’invention du premier compilateur pour un langage
de programmation. Elle a de plus été l’une des premières programmeuses de l’ordinateur Harvard Mark I, dont elle a rédigé un
manuel complet de 500 pages, manuel pour lequel elle n’a jamais été créditée.
Toutefois, à partir des années 1990 la proportion de femmes diplômées en sciences informatiques décline de plus en plus. Cela est principalement dû à un sexisme inhérent dans le secteur de l’informatique,
ainsi qu’à un manque de modèles féminins dans l’industrie, alors que la majorité des développeurs représentés dans la fiction
et les médias sont des hommes.
Et si l’absence de femmes dans la tech était une question de culture ?
Comme vous avez sûrement pu le constater de vos propres yeux, il y a aujourd’hui beaucoup moins de femmes que d’hommes qui s’engagent dans des études scientifiques
et/ou d’informatique. Une étude montre, qu’entre 2014 et 2016, on ne compte que 28% de femmes dans les études supérieures de TIC.
Pourquoi ? Me demandez-vous sûrement. Eh bien, les raisons sont multiples ...
D’abord, pour casser un préjugé que certains et certaines pourraient avoir, cela n’a rien à voir avec des facteurs biologiques ou neurologiques. Malgré les différences biologiques qui existent entre les femmes
et les hommes, celles-ci n’ont aucun impact sur les aptitudes scolaires, y compris dans le domaine de l’informatique.
Il est commun de lire que la raison principale de la désertion des femmes du secteur des STEM (Science, Technology, Engineering and Mathematics) pourrait être
le
biais d’autosélection. En effet, les femmes s’auto-sélectionnent en choisissant elles-mêmes de ne pas s’engager dans des études ou des carrières dans les STEM, car ces
domaines sont considérés comme masculins. Les femmes assimilant ces stéréotypes de genre, obtiennent ainsi des niveaux d’auto-efficacité et
de confiance en leurs aptitudes qui sont plus bas que ceux des hommes. Cela influence, à terme, leurs résultats et leurs choix de carrière. ( ah ah on voit que les hommes ont réussi à faire porter la responsabilité
de la situation sur les femmes.)
De plus, les normes socio-culturelles exercent une influence sur la perception des femmes concernant leur rôle et leur aptitude dans la société, ainsi que leurs aspirations professionnelles et personnelles.
Les facteurs familiaux ont également un impact. Les parents et la famille jouent un rôle important dans la formation des filles aux STEM, en les encourageant ou en les décourageant de suivre ces études et ces choix de carrières
; directement ou indirectement via un manque de ressources au sein de la famille. En effet, des recherches montrent que les choix de carrières des filles sont plus influencés par les attentes de leurs parents, contrairement aux garçons
qui le sont davantage par leurs propres intérêts.
Enfin, il est important de noter que dans de nombreux pays, les femmes peuvent rencontrer des difficultés d’accès aux équipements TIC publics, ou n’ont tout simplement pas les ressources financières nécessaires
pour s’en procurer.
Kékonfé alors ?
Maintenant que les problèmes sont posés, qu’est-ce qu’ont fait pour arranger ça ? Et fort heureusement on a des réponses ...
D’abord, comme évoqué auparavant, il est important de mettre en place des mesures ciblées visant à promouvoir l’égalité des genres. Cela peut se faire via des lois d’intégration ou via
la mise en place de politique de quotas, d’incitations financières (bourses) ou autre. Ce genre de mesure peut accroitre la participation des filles et des femmes à se former et à faire carrière dans les STEM.
De plus, les stéréotypes de genre, qui sont dépeints dans les médias, sont internalisés par les enfants et les adultes et modifient la manière dont ils se voient et voient les autres. Les médias ont donc
un rôle à jouer : par exemple en défiant les stéréotypes de genre concernant les aptitudes aux STEM.
Au sein des établissements scolaires, les enseignantes semblent apporter aux filles une figure de modèle et les aident à réfuter les stéréotypes sur les STEM. Les programmes scolaires et les matériels d’apprentissage
jouent aussi un rôle important dans la promotion de l’intérêt des filles pour les matières scientifiques.
Plus concrètement, il existe dans certains pays des programmes qui ont pour but d’encourager les filles dès le plus jeune âge à s’intéresser à l’informatique. Pour ne citer qu’un seul exemple
: en Inde, une initiative sociale nommée Indian Girls Code a été mise en place. Elle offre aux filles défavorisées des programmes gratuits de codage et robotique, incitant celles-ci à devenir
innovatrices dans le domaine de l’informatique. Elles apprennent à coder en créant des applications qui solutionnent des problèmes du monde réel.
Le réseau passerelles chez Sopra Steria lance également beaucoup d’initiatives comme par exemple se rendre dans les collèges pour expliquer les métiers du digital auprès des jeunes filles, un jeu des 7 familles
reprenant tous les métiers des ingénieuses du digital a même été créé !
Enfin, il est important de noter que la proportion des femmes, qui s’engagent dans des études ou des carrières dans le domaine des STEM, augmentent d’année en année, même s’il existe des variations notoires
entre les régions du monde.
Ainsi, on espère que d’ici quelques années, dans le domaine des TIC, on ne posera la question “Où sont les femmes ?” plus que pour chantonner la mélodie de Patrick Juvet et que dès maintenant on paraphrasera
Aragon en affirmant « la femme est l’avenir de la tech ».
Pour plus d’infos, voilà mes sources :